Le triple gémissement (Rm 5, 18-27) – lingua francese
questo articolo su Romani 5,18-27 mi sembra particolarmente bello ed interessante, è un commento spirituale al testo, come ho scritto, qualche testo in francese (e in inglese) lo metto:
http://perso.jean-leveque.mageos.com/gemissement.htm
Le triple gémissement
Commentaire spirituel de Rm 5,18-27
Les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. La création, en effet, a été soumise à la vanité,
non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise; toutefois elle garde l’espérance,
parce que la création, elle aussi, sera libérée de l’esclavage de la corruption
en vue de la glorieuse liberté des enfants de Dieu.
Nous savons, en effet, que jusqu’à maintenant
toute la création gémit ensemble
dans les douleurs de l’enfantement.
Elle n’est pas seule: nous aussi, qui possédons les prémices de l’ Esprit,
nous aussi, nous gémissons en nous-mêmes, dans l’attente de l’adoption, du rachat de notre corps.
Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or voir ce qu’on espère, ce n’est pas l’espérer:
ce que l’on voit, comment l’espérer encore? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas,
nous l’attendons avec constance.
De même aussi, l’Esprit vient en aide à notre faiblesse.
Car nous ne savons pas prier comme il faut;
mais l’Esprit lui-même sollicite souverainement
par des gémissements ineffables,
et Celui qui scrute les coeurs
sait quels sont les désirs de l’ Esprit,
et que c’est selon Dieu qu’il sollicite en faveur des saints.
Si nous arrivions à faire silence, si nous parvenions un instant à éloigner la rumeur de nos passions ou de nos désirs insatisfaits, nous pourrions percevoir, comme saint Paul, au cœur du monde, au cœur de l’histoire, un triple gémissement. Le premier n’a pas de voix et n’en aura jamais: c’est le gémissement de la création, faussée dès le début par le péché de l’homme, esclave des caprices de l’homme, ravagée, polluée et rendue stérile par l’égoïsme des hommes. C’est ce malheur originel de la création détournée par l’homme de son but que le vieux poète de la Genèse interprétait comme une malédiction de Dieu: « Maudit soit le sol à cause de toi, Adam! Il produira pour toi épines et chardons! » (Gn 3,17). Mais ce gémissement de la création n’est pas désespéré. La création gémit tout entière, mais ne se résigne pas; car elle a quelque chose à attendre, et elle garde l’espérance. Au jour de la gloire où dans l’homme transparaîtra pleinement le fils de Dieu, le monde aura sa part de gloire et de liberté: il vibrera à l’unisson de la gloire de l’homme, d’une manière qui demeure pour nous mystérieuse. La création gémit, non pas de désespoir, mais d’impatience, car elle sait, elle sent que son esclavage cessera et que ses douleurs enfantent un monde autre, vraiment fait pour l’homme dans l’amitié de Dieu. Mais la création, que le génie poétique de Paul personnifie comme une mère douloureuse, n’est pas seule à gémir. Nous gémissons aussi, nous les hommes, nous les croyants, parce qu’il nous faut attendre l’accueil définitif, par nous-mêmes, du salut offert en Jésus-Christ, puis le moment de l’universel. Nous sommes adoptés, mais il nous faut attendre la délivrance de notre corps; nous possédons les prémices de l’Esprit, mais ce n’est encore qu’un acompte sur la vie éternelle. Nous gémissons, parce que Dieu nous donne d’apercevoir de loin, toujours de loin, et comme insaisissables, des merveilles protégées par un écran de gloire, et ce que nous saisissons, par grâce, de sa présence ravive notre impatience de la rencontre définitive: « Où t’es-tu caché, Ami, toi qui me laissas dans les gémissements? », écrit saint Jean de la Croix, qui commente aussitôt: « C’est l’absence du Bien-aimé qui cause un gémissement continuel chez celui qui aime, car, n’aimant rien que Lui, il ne trouve en rien du repos et du soulagement. À cela on reconnaît celui qui aime véritablement Dieu: il ne se contente pas de quelque chose qui soit moins que Dieu (..) Au-dedans de notre cœur où nous avons le gage, nous sentons ce qui nous peine, et c’est l’absence. C’est bien là le gémissement que nous avons toujours en ressentant l’absence de l’Ami, principalement lorsque, ayant goûté quelque douce et savoureuse communication de Lui, mous demeurons arides et seuls, disant: « Pareil au cerf, tu as fui, m’ayant blessé. Après toi je sortis, criant,et tu étais parti! » (Cantique spirituel, § I, I-4). Nous gémissons à cause même de notre espérance, car « elle met la mémoire à vide et en ténèbres des choses de cette vie et de celles de l’autre » (Montée 11.6); « elle vide et sépare la mémoire de toute possession, parce que, dit saint Paul, l’espérance est espérance de ce dont on ne jouit pas. Ainsi elle écarte la mémoire de ce qui peut se posséder, et la met dans ce qu’elle espère. C’est pourquoi l’espérance de Dieu seul dispose la mémoire pour l’unir à Dieu » (Nuit obscure 17,22). Nous avons une voix pour nous exprimer, et pourtant, lorsqu’il s’agit de ces choses de Dieu, de Dieu en l’homme, nous gémissons « intérieurement »; car ces choses-là ne se réclament ni ne s’obtiennent à coups de fureur et d’impatiences. Il faut « les attendre avec persévérance ». Ainsi notre gémissement est à la fois le signe de notre espérance et de notre impuissance: « nous ne savons pas prier comme il faut. » Mais l’Esprit de Dieu « vient en aide à notre faiblesse. » Cette faiblesse, qui marque inévitablement notre témoignage et toutes nos entreprises missionnaires, est liée, en profondeur, à notre condition de pèlerins et aux « souffrances du temps présent. » Elle est toujours finitude et souvent culpabilité, en tout cas limite pour le savoir et blessure dans le vouloir de l’homme. C’est cette faiblesse qui nous rend incapables de « prier comme il faut », c’est-à-dire de demander « selon Dieu » ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme et que pourtant Dieu lui prépare. C’est bien aussi cette faiblesse qui nous fait gémir; et paradoxalement l’Esprit Saint nous vient en aide en gémissant lui aussi. C’est le troisième gémissement, celui qui mystérieusement porte et prolonge les deux autres. De même en effet que le gémissement humain n’étouffe pas le gémissement cosmique, de même le gémissement de l’Esprit n’interrompt pas le gémissement de l’homme, mais l’accompagne pour l’achever et le mener à terme. Notre impuissance demeure, mais l’Esprit l’habite et l’oriente vers la gloire, « selon Dieu ». Les mots continuent de nous manquer, mais l’Esprit Saint lui-même intercède par des gémissements sans paroles, au-delà de toute parole. Cette intercession de l’Esprit reste bien un gémissement, qui traverse celui du monde et entre en résonance avec le nôtre, mais grâce à lui notre gémissement de faiblesse devient vraiment filial et passe en Dieu. Toutes nos demandes impuissantes et gémissantes, notre souci multiple et notre quête inquiète du Royaume confluent alors en une simple aspiration à la gloire, « selon Dieu ». Et Dieu qui scrute les cœurs lit dans le nôtre un désir que l’Esprit a fait sien. Ce qui s’opère ainsi au creux des souffrances du temps présent et par le gémissement de l’Esprit est un mystérieux enfantement à la gloire. L’Esprit n’est point parole. Il est souffle de Dieu, il est soupir vers Dieu; et parce qu’il est à la fois don du Fils et don du Père, il veut transformer toute notre vie en une seule aspiration filiale vers Dieu. Si le gémissement de l’Esprit est intraduisible en notre langage d’homme, c’est sans doute parce qu’il reprend inlassablement la prière du Premier-né. Quand Dieu scrute notre cœur, c’est cette prière-là qu’il désire y trouver, sous forme de gémissement, de cri ou de murmure, parce que cette prière soufflée par l’Esprit Saint vient toujours au-devant du dessein de Dieu. Jamais nous ne sommes plus conformes à l’image du Fils que lorsque nous laissons l’Esprit reprendre en nous sa prière; non pas forcément au niveau de l’émotionnel, mais au niveau de la foi vive, au niveau de la consécration de tout notre être, au niveau quotidien de la fidélité et de l’amour. Partout où l’Esprit gémit, Dieu entend le cri d’un fils ou d’une fille. Partout où l’Esprit intercède, l’image du Fils s’imprime dans un cœur. Dans le brouhaha des villes ou le silence des lieux de prière, il suffit de coïncider un instant avec le projet de Dieu, avec notre être filial, pour entendre de nouveau le gémissement de l’Esprit. Gémissement paradoxal, qui nous rend heureux et confiants et qui réveille en nous la certitude d’être aimés, choisis, consacrés, envoyés, avec une multitude de frères. Gémissement d’espérance, qui vient prendre en nous le relais de la plus intense des prières: « Abba, Père! »
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